Témoignage d'un responsable de projet Medair au Tchad
Khadija et son mari étaient agriculteurs au Soudan et vivaient à quelques heures de la frontière du Tchad. Leurs champs produisaient suffisamment pour subvenir aux besoins de leur famille de 10 personnes.
Mais un jour, la guerre est arrivée et tout a changé. Son mari a été attaqué et violemment agressé ; il a frôlé la mort. Ses agresseurs ont hésité à le tuer, mais ils lui ont finalement laissé la vie sauve, considérant qu’il était âgé et ne survivrait pas longtemps à cette agression. Comme il saignait abondamment, Khadija l'a mis sur un âne, a pris ses enfants et s'est enfuie vers la frontière. Elle n'a pas eu le temps de prendre la moindre affaire.
Arrivée au Tchad, elle s’est réfugiée avec ses 8 enfants dans un camp de transit bondé. Son mari a été transporté à l'hôpital. Courageusement, elle a alors entrepris de construire une hutte en herbe d'environ 6 m2. Il y a plus de six mois, un voisin du camp a eu pitié d'eux et leur a donné une natte pour s'asseoir. Khadija s’en souvient encore avec émotion.
Mais la ration alimentaire qu'elle reçoit est trop faible pour ses huit enfants. La dernière ration qu'elle a reçue n'était que de 1,5 kg de millet par personne, ce qui lui a permis de tenir 1 mois et 20 jours. Ses deux filles aînées ont donc dû chercher du travail. Dans la ville voisine d'Adre, elles ont trouvé un emploi dans la fabrication de briques, et grâce à ce revenu, Khadija peut désormais acheter un peu plus de nourriture pour sa famille. Elle reste néanmoins confrontée à des difficultés d'approvisionnement en eau.
Khadija aimerait déménager dans un camp plus permanent où elle espère trouver de meilleures conditions de vie. Mais elle n'a pas encore été informée d'un transfert et continue d'attendre. Son plus grand désir est de rentrer chez elle, dans un Soudan en paix. Elle y trouverait suffisamment de nourriture pour ses enfants. Mais la situation au Soudan empire de jour en jour. Elle connaît des hommes qui ont tenté de rentrer, en désespoir de cause, pour récupérer certains de leurs biens, mais la plupart d'entre eux ne sont pas revenus. Des témoins affirment qu'ils ont été tués de façon horrible ou envoyés au front pour combattre. Elle restera donc ici avec sa famille. Elle n'a pas le choix, c'est sa vie maintenant.
Ce témoignage n'est que celui d'une des nombreuses femmes réfugiées qui souhaitent que leur histoire soit racontée. Il semble que chaque personne ici ait vécu une histoire similaire ou même pire. Certaines choses qu'elles m'ont racontées sur ce qui s'est passé au Darfour sont si horribles que je ne peux même pas les écrire. C'est l'enfer sur terre et le monde regarde ailleurs.